De mes débuts à aujourd’hui

J’ai toujours aimé le sexe.

Aux débuts de Tinder ma sœur m’a dit : cette appli est faite pour toi ! Pas de prise de tête, géolocalisation des plans culs aux alentours, le pied ! J’ai donc activé cette appli par périodes de ma vie, dans plusieurs villes où j’ai habité. Fais de belles rencontres, d’autres fois je ne couchais pas avec le type, et puis une fois j’ai dormi chez un mec, baise sauvage toute la nuit puis au matin, plus rien. Pas un mot, pas un « oh merci, c’était cool », pas un café ni croissant, ni tartine, ni bisou. J’étais face à un parfait inconnu à qui je venais d’offrir mon intimité. Pourquoi ça aurait été à lui de dire ou faire ça? Car je dormais chez lui, question d’hospitalité. Principe de merde je sais, moi qui déteste les principes. Et puis nous avons globalement le pouvoir sur cette appli ou dans la réalité de choisir les mecs avec qui on couche. Eux acceptent tous les profils car ils sont en chien et nous on choisit. Donc une façon de me remercier de l’avoir choisi aurait été la bienvenue! Du coup en partant de son appart au matin, je m’arrête acheter un croissant et boire un thé, me rends compte que je n’ai pas assez de liquide pour payer et je me fais la réflexion, putain j’aurais été pute j’aurais quelques centaines d’euros en poche je ne serait pas dans cette situation. Je me sentirais plus « honorée »…

Puis la vie a fait son cours, cette idée trottant toujours dans un coin de ma tête…j’enchaînais les relations toxiques avec des mecs la plupart du temps déjà en couple.

Quelques années après, j’ai été amenée à faire un stage de réceptionniste à Londres. J’ai entendu un jour une pub à la radio pour un site d’arrangement entre adultes. Il s’agit de trouver un sugar daddy qui vous rémunère au mois en échange d’accompagnement et de services, la plupart du temps sexuels. Je me suis inscrite sur un des ces sites mais cela ne me convenait pas. Je ne voyais pas comment poser les limites du nombre et de la durée des rapports, je ne voulais pas être au service d’un vieux riche, la rémunération ne me convenait pas, il n’y avait que des vieux radins qui cherchaient à baiser des jeunes filles à leur guise pour une enveloppe minable. Je discutais en ligne avec des types irrespectueux, la plupart du temps fantasmeurs, cela ne me convenait pas. C’était de l’abus pour moi. Apparemment beaucoup d’étudiantes ont recours à ces sites pour boucler leurs fins de mois ou payer leurs études. Ils profitaient donc de leur détresse financière.

Puis j’ai cherché un peu plus à propos des services d’escorting. J’ai découvert adultwork.com. Voilà j’avais trouvé ce que je cherchais. Un site où l’on créée son profil, où l’on peut mettre des photos et vidéos payantes ou non. Bon assez galère pour être membre vérifié, il faut fournir une copie de pièce d’identité, se prendre en photo avec un journal anglais du jour et devant une plaque de rue pour prouver sa présence au Royaume-Uni. Mais du coup s’en suit une certaine fiabilité des profils d’escorts. J’aimerais tellement un site similaire en France. Car le mieux c’est que comme sur Blablacar, les clients laissent des commentaires sur nous après le booking et vice versa. J’avais donc zéro commentaires quand Peter m’a contactée, il en avait 121. Il émanait des coms sur lui qu’il était un vrai gentleman, propre, sympa, respectueux. Allez ! Rendez-vous au Rio’s, un spa libertin en plein Londres avec un espace plein air où l’on peut bronzer à poil sans vis-à-vis ! J’ai trouvé ça étonnant. On peut y amener nos propres boissons, des serveuses aux seins nus se chargent de les garder au frais, elles servent également du thé anglais gratos, This is England ! Jacuzzi, hammam puis nous voici dans une petite pièce avec deux matelas lavables et un gros bouton rouge d’urgence sur le mur. Il m’explique que si on appuie là le patron arrive dans la minute. Qu’il a déjà vu le patron partir de derrière le bar en urgence suite à un appel de la sorte et que c’est très sérieux. Il m’a donc mise à l’aise, rassurée. Nous commençons les préliminaires puis baise puis voilà. C’était fait. Mon premier client. Je me rappelle que pendant l’acte je me suis dit, ça y est c’est en train de se passer, je suis payée pour baiser. Et c’est cool en plus il est doué avec sa langue. Pas pire que certains que j’ai baisé gratuit !

J’ai donc bossé un peu en Angleterre, mon nombre de coms a augmenté, je n’étais plus débutante. Tout s’est fait naturellement. Je suis ensuite rentrée en France et j’y retournais deux trois fois par an pour compléter mon RSA. Puis je me suis renseignée sur la loi française. Je ne sais pas pourquoi je pensais la prostitution interdite dans mon pays natal. Que neni. L’achat de services sexuels est pénalisé mais nous pouvons exercer ! Paradoxe. Absurdité. Je n’ai pas cherché à comprendre et j’ai posté une annonce uniquement en déplacement. J’ai quand même hésité car j’habite dans une ville de 15000 habitants et j »avais peur du stigmate de putain. Puis j’ai découvert au bout d’un an le STRASS et s’en est suivit des rencontres avec pleins d’autres collègues. Je ne suis plus isolée, je me sens plus forte, je n’ai plus peur que tout le monde le sache. Je suis même fière. Fière d’être pute.

Je vois dans mon métier plusieurs dimensions : sociale, psy, marginale, originale, vaginale et parfois anale. J’ai été amenée à enculer un client au gode ceinture. Je pense que ça ne me serai jamais arrivé sans exercer ce métier! Car nous ne sommes pas uniquement des vides couilles. Nous sommes réalisatrices de fantasmes. Il y a des méandres de l’âme humaine que seules les putes, les psys , les médecins sont amenés à connaître. C’est le constat que nous avons établit un jour avec ma doctoresse généraliste qui me suit depuis des années. Le principe du secret médical étant, les gens se livrent à elle alors qu’elle est sensée être là juste pour les soigner. Nous sommes un tampon confidentiel. Certains ont vraiment besoin d’extérioriser leurs fantasmes des plus communs ; comme vouloir faire l’amour avec deux femmes à des fantasmes remettant carrément en cause leur virilité ; comme se faire prendre, être infantilisé, féminisé, humilié par une femme. Tout cela m’a amené a me poser beaucoup de questions sur le genre et le sexisme dans notre société. Eux doivent être forts et nous ni putes ni soumises.

Il y a aussi ceux qui ne font que fantasmer, ne passent jamais à l’acte. Les fantasmeurs, perte de temps par excellence, ils posent dix mille questions sur nos pratiques sans jamais prendre rendez-vous…voire ils prennent rendez-vous et posent un lapin. Ces hommes sont pour moi bien pires que tous les clients que j’ai pu avoir au niveau du manque de respect. Pourquoi font-ils cela? Sadisme ou lâcheté mon cœur balance…

Puis il arrive parfois que je tombe sur un client qui me baise comme j’aime, avec qui on a des discussions intéressantes, qui m’écoute autant que je l’écoute, qu’on s’entende vraiment très bien quoi ! Comme hier. O. avait réservé une chambre, commandé des sushis, acheté ma boisson préférée et pris rendez-vous pour une heure et demie. Je suis restée bien plus longtemps et je lui ai demandé de me rebaiser tellement c’était bon. Lui en couple, m’a demandé de la discrétion quant à notre entrevue. Bien sur encore une fois le courant passe super bien avec un mec en couple. L’histoire de ma vie sentimentale en une phrase. Éternel recommencement. Même en dehors du taf, avant que je commence, ces situations se répètent inlassablement. Là c’est super chiant car j’ai envie de lui écrire un message, lui dire que c’était cool, que j’ai envie de le revoir…mais non. Retiens toi, restons pro.

Donc les bons clients c’est génial mais avec eux c’est très frustrant de devoir finir le rendez-vous. J’en suis à penser que des fois je préfère les clients moches qui puent de la gueule et comme ça je ne souffre pas à devoir les quitter. Triste paradoxe. J’aime tout et son contraire.

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